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Centre Africain d'Etudes Supérieures en Gestion

Vous êtes le Directeur général du Bureau Organisation et Méthodes (BOM), acteur central dans le fonctionnement de l’Etat sénégalais. Pouvez-vous nous présenter cette structure ?

Merci pour l’occasion que vous m’offrez de mieux faire connaître la structure que je dirige. Le BOM est en fait une structure administrative d’étude et d’appui-conseil placée sous l’autorité du Ministre, Secrétaire général de la Présidence. Autrement dit, notre ancrage c’est la Présidence de la République du Sénégal. Le BOM aide à la décision auprès du Chef de l'État et accompagne toutes les structures de l’administration dans des problématiques liées à l’amélioration de performance de l’action publique. Sa mission principale est de veiller à l’adaptation permanente de l’organisation des services de l’Etat aux mutations de l’environnement politique, économique, social et technologique.

Dans le champ de ses attributions, le BOM travaille sur divers chantiers. Pour être plus précis et plus pragmatique, dans son domaine d'intervention, le BOM agit sur trois leviers : les structures, les procédures et les hommes à savoir les ressources humaines.

Sur les structures, nous travaillons à rationaliser les entités administratives pour les mettre aux normes, c’est-à-dire dans les conditions à pouvoir bien prendre en charge les missions qui leur sont confiées. On est là dans ce que l’on pourrait appeler de l'ingénierie organisationnelle. Sur les procédures, nous accompagnons les entités publiques, à alléger les formalités et simplifier les procédures administratives de façon à améliorer la qualité des services rendus aux usagers.

Sur les hommes, nous agissons beaucoup sur le renforcement des compétences des agents de l’Etat sous diverses formes et modalités. Parfois, nous-même, nous animons des sessions de formation sur des thématiques émergentes comme la gestion axée sur les résultats qui est devenue le nouveau paradigme de la gestion publique tout comme nous accompagnons des agents de l’Etat en finançant leurs études auprès des opérateurs de formation comme le CESAG. Voilà, de façon ramassée, la raison d’être du BOM.

Comment jugez-vous l’état général actuel de l’administration publique sénégalaise ?

L’administration publique du Sénégal, comme presque partout ailleurs, fait face à une demande pressante et récurrente de satisfaction des besoins des populations. Bien entendu, les résultats sont assez mitigés ; ce qui signifie qu’il y a encore des dysfonctionnements qu’il va falloir adresser dans un contexte où, justement, les besoins des citoyens évoluent de façon continue. Toujours est-il qu’il est bon de rappeler que la raison d’être de l’administration, c’est le citoyen. Il y a donc, de toute évidence, beaucoup d’efforts à faire pour mieux répondre aux attentes des citoyens et conduire à bien les politiques publiques qui sont destinées à l’amélioration des conditions de vie des populations.

Dans un contexte marqué notamment par la COVID, les défis à relever par les administrations ont, à coup sûr, été amplifiés.

Pour revenir sur le cas du Sénégal, je puis vous dire que ce sont les lenteurs administratives qui reviennent le plus souvent dans les préoccupations des citoyens. C’est pourquoi avec la digitalisation, d’importants chantiers sont en cours de déploiement pour dématérialiser certaines procédures, permettant ainsi de gagner en efficacité et en célérité dans la prestation des services. Il s’y ajoute le lancinant problème de la gestion de proximité qui met en avant tous les enjeux liés à l’approfondissement de la déconcentration et de la décentralisation.

Dans le même ordre d’idées, le pilotage de la performance a ses exigences en termes d’outils, de principes et de démarche.  La dynamique de réforme enclenchée dans divers domaines répond à un besoin pressant d’amélioration de l’efficacité des politiques publiques.

La conduite de ce processus de transformation ne manque pas de révéler certains écueils au nombre desquels la résistance au changement. En tous les cas, l’option du Sénégal est de  faire de la gestion axée sur les résultats le crédo précurseur de l’action publique. C’est dire que nous avons encore du chemin à faire pour le développement d’une administration axée sur les résultats de développement et au service du citoyen.

Le BOM intervient-il en dehors du Sénégal ? Est-il engagé dans la Coopération Sud-Sud ?

Oui. Le BOM est bien engagé dans la coopération Sud-Sud. Par exemple, cela fait un peu plus de deux ans que nous sommes engagés dans un chantier conjoint avec le Burkina Faso. Dans le cadre de sa mission d’accompagnement et d’appui-conseil, le BOM développe des outils de gestion à mettre à la disposition de l'administration. C’est ainsi qu’au plan managérial, nous avons investi le vaste champ de la promotion de la démarche qualité dans le secteur public. A ce sujet, nous avons choisi d’implémenter le Cadre d'Auto-évaluation des Fonctions publiques (CAF) qui est un outil de démarche qualité conçu par le secteur public et pour le secteur public. Il s’agit d’une démarche d’auto-évaluation et d’amélioration continue qui, à l’origine, a été développée par l’Institut Européen de l’Administration Publique (IEAP). Avec l’appui technique de l’IEAP, par l’entremise de l’Agence Luxembourgeoise de Coopération au Développement (Lux Dev), le BOM a pu s’approprier cet outil en l’adaptant à nos réalités, puis mettre en place un Centre de ressources. Les résultats encourageants de l’application de la démarche CAF au Sénégal ont amené le Burkina Faso à solliciter l’appui du BOM pour expérimenter et diffuser cette approche, dans le cadre d’un partenariat Sud-Sud. A ce stade, les résultats obtenus sont satisfaisants. En perspective d’un enrichissement mutuel, d’autres pistes de collaboration sont dégagées.

Sur la même question du déploiement de la démarche CAF, la sollicitation du Niger nous est parvenue. Malheureusement, le contexte de COVID n’a pas permis d’ouvrir ce chantier.

 Nous entretenons aussi des relations de coopération avec d’autres pays de la sous-région (zone UEMOA) à travers des missions de benchmarking ou de voyage d’études pour bénéficier de l’expérience des uns et partager celle du Sénégal, étant entendu que les défis à relever sont sensiblement les mêmes pour tous ces pays.

Ce champ de partenariat couvre aussi le Maroc avec qui nos échanges portent sur certains outils et pratiques administratives qui sont de nature à améliorer l’efficacité de l’action publique.

Le Plan Sénégal Emergent matérialise le nouveau modèle de développement que l’Etat du Sénégal s’est défini pour accéder rapidement à l’émergence. Quel a été le rôle du BOM dans la mise en place du PSE (Plan Sénégal Emergent) ?

Le PSE a été élaboré suivant une approche inclusive. Le BOM, au même titre que d’autres administrations, a participé à la conception du Plan Sénégal Emergent (PSE). Je rappelle que celui-ci est articulé autour de trois grands axes : la transformation structurelle de l’économie et la croissance, le capital humain, la protection sociale et le développement durable et, enfin, la gouvernance, les institutions, la paix et la sécurité.

Le BOM a participé justement à l’élaboration de ce document qui est devenu le référentiel de la politique économique et sociale de notre pays. Par ailleurs, le BOM accompagne les entités qui opérationnalisent les axes du PSE en mettant à leur disposition des outils modernes de gestion. C’est dire que le BOM se positionne dans une posture d’appui-conseil pour une performance accrue, conformément à la mission qui lui est dévolue.

Vous êtes titulaire de deux MBA dont le DSGE du CESAG obtenu il y a une vingtaine d’années. Cette qualification a-t-elle été importante dans votre carrière ? Que retenez-vous de votre passage au CESAG ?

Ma carrière professionnelle est un peu atypique. De par ma formation de base, je suis géographe. Après ma maîtrise en géographie puis le Certificat d’Aptitude à l’Enseignement secondaire à l’Ecole Normale Supérieure (ENS devenue FASTEF), je fus enseignant du secondaire dans un lycée du Sénégal pendant cinq à six ans avant de poursuivre mes études de troisième cycle à l’Université de la Francophonie en Egypte (Université Senghor d’Alexandrie). Pour la petite histoire, la même année j’avais été admis au CESAG et à l’Université Senghor. J’avais choisi d’aller à Alexandrie (en Egypte) dans un premier temps, d’où je suis revenu avec une solide formation sanctionnée par un MBA.  A mon retour j’ai réintégré l’administration et été mis en position de détachement au ministère en charge de l’Environnement avant de repasser le concours du CESAG. Mon passage dans cet établissement fut remarquable. Je retiens surtout la qualité et le professionnalisme de l’équipe administrative et pédagogique, mais également le haut niveau de formation des auditeurs (qui étaient tous des professionnels aguerris) avec qui j’ai partagé la toute dernière promotion du Diplôme Supérieur de Gestion des Entreprises (DSGE).  

Ma formation au CESAG a été, si je puis dire, enrichissante et déterminante dans la suite de ma trajectoire professionnelle. En effet, c’est juste après l’obtention du DSGE que j’ai fait suite à un appel à candidatures pour un poste de conseiller en management à la Délégation au Management Public (DMP) de l’époque. Puisque mon profil correspondait à l’emploi recherché, je n’ai eu aucune difficulté à réussir aux tests pour un poste de Conseiller en management. A la faveur d’une promotion interne, je me suis finalement retrouvé, après quelques années, à la tête de cette prestigieuse institution

C’est vous dire que le diplôme du CESAG renvoie à une formation professionnelle de qualité. S’il est vrai que j’avais déjà capitalisé une certaine expérience de l’administration, ce diplôme de management décroché au CESAG m’a ouvert de nouvelles perspectives.

De la Délégation au Management Public au Bureau Organisation et Méthodes ?

Cela me donne l’occasion de revisiter l’histoire du BOM dont l’acte de naissance remonte en 1968, donc du temps du Président Léopold Sédar Senghor. Le premier Président du Sénégal indépendant avait perçu, très tôt, l’importance de l’organisation et de la méthode pour bâtir une administration de développement. Avec l’air du temps, mais aussi le caractère transversal de sa mission, le BOM aura beaucoup voyagé en termes d’ancrage institutionnel, et de changement de dénomination.

Si à l’origine, la structure a eu pour ancrage le Secrétariat général de la Présidence de la République, elle a été rattachée par moments à la Primature (au Secrétariat général du Gouvernement) ou au Ministère en charge de la Modernisation de l’Etat, avant de retrouver son rattachement initial (Secrétariat général de la Présidence) à partir de 2001.

Du BOM de 1968 au BOM de 2013 et d’aujourd’hui, se sont intercalées la Délégation au Management public de 1992 à 2008 et la Délégation à la Réforme de l’Etat et à l’Assistance technique de de 2008 à 2013.

La vie économique en général est impactée par la COVID depuis 2020. En tant que Directeur général du BOM, comment avez-vous géré les effets de cette pandémie dans votre organisation ?

En effet, la COVID a fortement chahuté les économies et les administrations de par le monde. Mais il a fallu s’adapter, faire preuve de résilience. Ce contexte marqué par un phénomène inattendu nous a amenés à repenser nos manières de penser, de faire et d’agir. Quasiment, nous avons tous pris conscience que le numérique offrait un potentiel d’innovation et de transformation insuffisamment valorisé. Assurément, le BOM n’a pas été en reste.

De par ses effets disruptifs,  le numérique a reconfiguré le modèle d’organisation et de de fonctionnement de nos administrations en mettant en exergue l’impératif d’une mutation vers une administration de réseau grâce au développement des outils collaboratifs qui ont favorisé la pratique du télétravail qui est en passe d’être incorporée dans notre culture administrative.

Un mot à l’endroit des jeunes qui voudraient suivre la même voie que vous ?

A l’endroit des jeunes, je mettrai surtout l’accent sur le sens de la responsabilité et de la conscience professionnelle, de la rigueur dans le travail, de l’abnégation et de l’ouverture d’esprit. Une carrière professionnelle, c’est un processus qu’il faut prendre le temps de bâtir sur du solide, en somme sur une formation robuste doublée d’un comportement au travail exemplaire. Je leur dis aussi de s’armer d’humilité, de patience et de confiance en soi.